dimanche, juin 04, 2006

Le dynamisme étonnant et merveilleux des jeunes cadres


Cette affirmation enthousiaste pour la chair fraiche on la doit à François Régis Hutin, la croûte molle qui dirige l'illustre quotidien Breton Ouest-France. Créé par d'anciens résistants, l'état d'esprit général de la maison semble avoir bien changé à présent puisqu'elle ne cesse de défendre, à travers ses choix éditoriaux, la bonne grosse pensée dominante conservatrice, en fustigeant justement le conservatisme de ceux qui ne veulent plus se faire enculer par le "changement, la modernité, le dynamisme et l'adaptation".

Ces propos de François Régis n'ont pas, comme ont pourrai le penser, été recueilli depuis le bord d'une piscine d'un quelconque bain turc ou l'auteur aimerai à se ressourcer tout nu dans une serviette de bain, fumant de l'opium, mâchouillant des anchois fris, reluquant les jeunes mâles passant par là, en espérant retrouver une dernière fois toutes les sensations que procure une bonne érection, depuis longtemps oubliées. Ca pourrait expliquer le côté "border line" du truc.

Parce que bon faut pas pousser tout de même !

C'était en première page du journal du samedi 3 juin. Je te la replace dans le contexte.
En effet, notre pays ne décline pas dans toutes ses parties, dans toutes ses régions, dans toute l'activité économique. Nous connaissons heureusement des entreprises extraordinairement performantes ; des équipes de cadres, souvent jeunes, d'un dynamisme étonnant, merveilleux ; des universités qui sont à la pointe dans plusieurs domaines ; des chercheurs perspicaces, audacieux, que l'on nous envie...

Voilà . Rigolo non ? Si tu fais gaffe à la petite liste des trucs qui vont bien pour le Hutin, c'est quand même restreint hein ?!

T'es dedans toi ?

Moi non plus !

Top là man ! Give me five ! Tâte moi la couille mon frères ! Ni chercheurs perspicace, ni cadres merveilleux, ni entreprise performante, ni université à la pointe dans plusieurs domaines, je suis un de ces nombreux boulets que traîne ce pays qui du coup décline d'un côté et qui va finir par se casser la gueule tout seul comme une merde.

Imagine le monde dans lequel vit cette pointure intellectuelle sans qui la voie de notre destin nous paraîtrait bien sombre. Moi ça ne me pose pas de problème, j'ai travaillé pour Ouest-France, ou plutôt sa régie publicitaire, Précom, et vu que l'on ne sait plus trop qui de la pub ou des journalistes régie l'autre, c'est pareil.

Et bien c'est vrai que les cadres à l'époque ils étaient plutôt du style "jeunes et merveilleux". Tout fraîchement démoulé d'HEC, encore tiède, le sourire enjôleurs, le teint bronzé (en Bretagne c'est très fort...) ils étaient assez cool. Et surtout ils subissaient sans broncher les foudres d'un supérieur très autoritaire (qui s'est avéré totalement incompétent sur la longueur, l'excès d'autorité donne souvent l'apparence du contraire). Enfin bref. Le truc c'est que y a pas plus lécheur de cul qu'un cadre. C'est encore ce qu'il y a de plus efficace pour l'avancement. Et plus ils sont nul, plus ils sucent. Ces mecs ont un respect énorme pour la hiérarchie.

Remarque, c'est débile ce que je dit, les employés du bas de l'échelle sont parfois comme ça aussi.

Oui mais Le Hutin il va pas lever le coude le soir après le boulot au troquet d'en face avec ses pôtos imprimeurs. "Alors messieurs ça gaze !? Hé René t'es con tu me l'a noyé ! Putain c'est pas vrai ! Faut jamais dépasser le bas des lettres "Ricard" ! Ouais c'est bon, c'est bon tu payes la prochaine, et puis c'est tout. Ouaaiiis l'autre que de la gueule ! Hé va te faire foutre !"

Il nous aurait peut-être confié dans le même élan d'humanité, la larme à l'oeil, qu'il les trouvait "merveilleux " et "étonnants>" ces ouvriers qui chaque jour travaillaient durement pour permettre aux centaines de milliers de lecteurs du grand ouest de lire ses éditos à la con.

Avec les régimes communiste on était dans la glorification constante du bon gars aux gros bras avec les manches de chemise retroussées et le regard tourné vers l'avenir. (tu veux savoir c'est vers où qu'on regarde quand on regarde l'avenir ? Et bien c'est sur le coté, un peu en haut mais pas trop, sinon ça fait le mec qui regarde dieu dans le ciel. Et ça, ça fait pas communiste.) C'était un peu excessif. Surtout dans le même temps on se foutait bien de leurs gueules aux ouvriers en fait. Ca fait populiste de flatter le prolo ! Mais l'image d'Épinal de l'un à été remplacée par celle vachement épinale aussi de l'autre. Le cadre sup, la cravate au vent, les manches de chemises pas retroussés, qui regarde vers l'avenir. (Là par contre, quand un cadre regarde l'avenir c'est plutôt vers le bas, pour pouvoir lire son écran de pc portable).

Je vois pas la différence entre les deux. C'est de la propagande dans un cadre (ouf,ouf!) comme dans l'autre. Parce que ce qui est rigolo c'est que les cadres représentent moins de 10% et même peut-être moins que ça de la population de ce pays. Et pourtant dans la représentation de base du citoyen français à la télé on ne vois que ça. Des mecs en costard. D'ailleurs même l'info donne l'impression qu'il n'y a que des cadres sup dans ce pays. T'écoute france-Info, c'est la bourse, les actions, les vacances "pas cher" à 800 euros le week-end par personne (sic), les meilleurs placement, les conseils au propriétaires, les trucs pour payer moins d'impôts etc, etc..

A tel point que chacun pense qu'il va devenir cadre. Du coup tout le monde essaye de faire des études supérieurs, plus de la moitié se plante et après il y a plein de chômeurs non qualifiés et y a plus de plombiers et d'électriciens. C'est malin.

Revenons au merveilleux et à l'étonnant selon FanFan-RéRé. Pour moi il commet là un délit flagrant en plein devant tout le monde. Dis moi si je me trompe mais je crois bien que ça s'appel du racisme social. Bon d'accord c'est pas parce que tu dis que t'aimes bien le café que t'aimes pas le thé pour autant. Mais non d'une crotte il voudrait nous faire sentir que 60 % de la population française constitué d'ouvriers et d'employés ne peut absolument pas faire parti des choses dont on peut se réjouir dans ce pays du fait de la qualité de leur travail, de leur dynamisme ou de leur performance il ne s'y prendrai pas autrement.

Les cadres "merveilleux". Elle parle de quoi là la Réré ? C'est pas un peu... comment on dit ?... dithyrambique ? Ah les jeunes loup qui lui gèrent son buzness, qui pressent les salariés comme des citrons, qui améliorent sans cesse la putain de productivité à la con et lui font gagner toujours plus de pognack ils sont évidemment merveilleux ! En plus ils sont propre, parlent bien, lui sourit tout le temps et lui donne l'impression d'être beau et intelligent alors qu'il est bête comme un chèvre allemande.

Et puis tout ça enrobé dans un texte bien culpabilisateur rapport au vote du 29 mai de l'année dernière évidemment. Moi j'avais un peu de mal sur l'analyse "rejet des élites". Ca fait caricaturâtral(un mix de caricature et théâtral). Mais en fait quand t'entends les discours des mecs un an après t'es pas déçu. Parce que le rejet des élites d'un côté, si rejet il y a, c'est pet de chiwawa par rapport au rejet du peuple de l'autre côté.

Je me suis souvenu d'un voyage au Pakistan ou je partageai un wagon de train avec un fils de notable. Le fils de l'ancien directeur des trains Pakistanais. Rencontré dans le hall de la gare ce gars là nous avait, moi et mes amis, casé dans le wagon VIP d'un train harchi bourré de voyageurs. Le train quittait la ville de Lahore dans la nuit, traversant les quartiers déshérités de la ville. Mais vachement déshérités. Une horreur. Un vrai cauchemar. Le truc qui fait bien pitié quoi. Et là mon potes filsdeu me désignant les taudis défilant devant nous d'un geste nonchalant de la main, me dit: "You see that ? It's rubish. Those people are rubish. Not good."

Ca m'avait scié. Ca peut paraître bête comme anecdote mais ce qui était presque drôle c'était la maladresse de ce propos dans le contexte. Ce gars pensait que je faisais parti comme lui de "l'élite". Étant forcément un bourgeois parce que suffisamment riche pour me payer un voyage jusque chez lui. Et puis je représentais pour lui aussi probablement, un peuple "évolué". Le bon gringo ! El gringo ! Alors soit il m'a dit ça sans réfléchir. Juste parce que cette pensée l'obnubile sans cesse, un peu comme la Réré. Soit il a ressenti une sorte de gêne , de honte, vis à vis de moi, dans un sentiment chauviniste mal placé, et a voulu rendre responsable ces pauvres gens de leur sort afin de dédouaner le pays de sa responsabilité vis à vis de cette situation. Une manière de dire "le Pakistan c'est pas ça. Ca c'est la honte, du consommable , du qui sert à rien." Ce mépris exprimé si cruement m'avais vachement choqué.

Le Hutin c'est pareil. Parce que c'est complètement nul de venir te parler de ces putains de cadres merveilleux à la con. Pour lui y a les entreprises, les chercheurs, il a du se forcer à rajouter les Universités pour faire bien,et puis les cadres. Et hop le reste c'est que des emmerdes. Des salariés fainéants qui demande toujours plus, qui votent mal, et qui sont tellement cons que ça vaut même pas le coup de leurs proposer des trucs à lire trop intelligent, du coup il écris les éditos du journal lui même et ça économise un salaire.

Parce que notre Réré BretoNne à nous elle est très méritante. Attention ! Faut dire que son poste de directeur général il le doit uniquement au fait qu'il est quelqu'un d'extrèmement compétent, dynamique, performant et audacieux. Le fait qu'il porte le même nom que le fondateur du journal est un pur hasard. Des Régis-Hutin il y en a plein en Bretagne. C'est comme les Michelins en Corrèze . Si, si. Du coup des fois les directeurs se succède et porte le même nom alors qu'en fait ça a changé de famille. (A propos de Michelin d'ailleurs je me suis dit qu'avec sa combinaison de sauvetage auto-gonflante et les litres de flottes qu'il a du avaler, quand on l'a retrouvé, il devait ressembler au bibendum. On échappe pas à son destin ! D'ailleurs vous avez remarqué comme les grands patrons ont des morts par accident qui nous arriverait jamais à nous. Comme Le FUR fondateur et patron du groupe Brioche Dorée, mort dans un accident d'hélicoptère en rejoignant son île privé, Paul-Louis Haley PDG du groupe promodès, disparu dans le crash de son jet privé en Angleterre et puis l'autre là qui se prend pour Hemigway à la pêche au gros. Sont trop bête. )
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Je ne sais pas si les pauvres n'aiment pas les riches. Il y a de toute façon une certaine fascination entretenue par les médias et ça dure depuis le début des civilisations j'imagine. Par contre il y a une chose qu'est assez évidente ; les riches n'aiment pas les pauvres. Oui je sais c'est nul cette notion de riches et de pauvre. C'est plus du tout à la mode. Et puis qui est riche et qui est pauvre hein ?! L'Insee et des instituts dans ce genre se prennent la tête pour trouver des définitions, un niveau de revenu moyen à partir duquel tu peux plus faire certain truc de base comme payer ton forfait de portable... Mais moi je vois bien ce que je veux dire. Et les plus riches font preuve d'un mépris absolument étonnant pour le peuple dans son ensemble.

Tiens par exemple tu crois que Ségolène elle parlerai de cette idée de camp militaire pour les adolescents en difficulté si un seul de ses gosses à elle avait une chance de se retrouver pensionnaires de ce genre d'institutions un jour ? Ben non, elle sait bien que ça n'arrivera jamais. Que ça n'a aucune chance d'arriver. Encore un truc pour les enfants de pauvres à qui on a le droit de faire tout ce que l'on veut avec la bonne conscience en plus.

Je me souviens aussi de Maleck Bouti avouant que dans son enfance il avait plus souffert de la pauvreté que du racisme. Ca m'avait vachement surpris. Mais en fait c'est vrai que plus que les délinquants, la racaille, les sauvageons, les noirs ou les arabes, ce que l'on aime pas c'est les pauvres. Ils font chier. Au lieu de rester pauvre et peinards ils arrêtent pas de remuer, de gueuler et de voter pour n'importe qui.

A l'occasion des élections présidentielle de 2002 de nombreux journalistes n'ont pas manqué de pointer du doigt les classes laborieuses, accusées d'avoir massivement voté pour Jean-Marie Le Pen. Quelques minutes de réflexions leur auraient pourtant permis de constater que la représentation des ces derniers au sein de l'électorat frontiste ne dépassait pas, proportionnellement, leur représentativité au sein de la société française. Encore aurait il fallu qu'ils connaissent l'exacte ampleur de cette proportion (25% d'ouvriers, 60% avec les employés). Aucun commentaires bien sur la l'importance du vote des artisans et commercants ni sur l'importance des catégories sociales les plus élevées votant régulièrement pour le Borgne Breton. Les prolos c'est que des cons !

Et surtout des fois ils doutent ! C'est terrible ! Ils se rendent pas compte que pourtant c'est vachement cool la vie ! Que ce pays est merveilleux, que les équipes de cadres sont étonnantes de dynamisme et qu'il suffirait que chacun face des "efforts" pour être plus étonnants et merveilleux pour que tout aille mieux.


Si tu veux rigoler tu peux toujours te tapper l'article entier que voici :

par François Régis Hutin
Contre la paralysie...

« Toute ma vie, j'ai aimé la France. J'ai perdu l'admiration qu'elle m'inspirait. J'en suis navré. J'ai cessé de vanter ses vertus... Une France qui refuse le changement, qui appréhende la modernité comme une menace, est une source d'inquiétude pour quiconque croit dans l'Europe et dans la France elle-même », écrit Denis MacShane, député travailliste, ancien ministre britannique des Affaires européennes (1).

Ce jugement sévère et dur devrait nous pousser à nous interroger sur nous-mêmes. Nombreux sont ceux qui, depuis quelque temps, alertent les Français en parlant du « déclin » de notre pays. Ils soulèvent l'indignation de beaucoup et déclenchent les sarcasmes. Mais le mot « déclin » peut être interprété de différentes façons. En effet, notre pays ne décline pas dans toutes ses parties, dans toutes ses régions, dans toute l'activité économique. Nous connaissons heureusement des entreprises extraordinairement performantes ; des équipes de cadres, souvent jeunes, d'un dynamisme étonnant, merveilleux ; des universités qui sont à la pointe dans plusieurs domaines ; des chercheurs perspicaces, audacieux, que l'on nous envie...

Cependant, nous voyons bien que quelque chose cloche, à commencer par l'image que nous donnons de nous-mêmes. C'est comme si, dans une sorte de crispation, nous voulions nous dénigrer. L'affaire Clearstream ne sert pas beaucoup la réputation de notre personnel politique. La crise des banlieues, qui couve toujours et manifeste que notre système d'intégration patine, effraie les Français, bien sûr, mais aussi les étrangers dont certains hésitent même à nous rendre visite. Là-dessus arrive l'affaire du CPE avec ses manifestations parfois violentes dont les images ont fait le tour du monde... Mais, de plus et peut-être surtout, le « non » au référendum a fait douter de la volonté européenne de la France. Pourtant, près de la moitié des Français ont dit « oui » au référendum et nombre de ceux qui ont voté « non » l'ont fait, non pas contre l'Europe, mais pour protester contre notre gouvernement.

... relancer l'Europe

Il n'en reste pas moins que, comme l'écrit Alain Duhamel (2), « la France a gâché sa plus belle carte historique, l'atout maître de son influence internationale, le levier qui lui offrait un rôle, un statut et un prestige : l'Europe ». Pourtant, l'Europe c'est la France qui en a repris l'idée et l'a faite sienne. Tous les Présidents, de droite comme de gauche, ont choisi de la soutenir et de la promouvoir contre vents et marées. C'est un Français, Valéry Giscard d'Estaing, qui avait réussi à rassembler vingt-cinq nations sur un texte commun, et c'est la moitié de la France qui a tout mis en panne par un « non » dont on voit, aujourd'hui, les méfaits sur notre influence. À l'étranger, on doute de nous. On ironise sur notre légèreté. On regarde avec condescendance notre arrogance qui ne sert, dit-on, qu'à voiler notre inconsistance. On s'inquiète de notre immobilisme : « Les conservateurs, à droite comme à gauche, sont la force dominante en France. » Pour eux, « rien, en France, ne doit évoluer, de manière que tout soit pareil. C'est la voie royale vers nulle part, alors que l'acceptation de la modernité favoriserait tout, sauf l'immobilisme », écrit encore Denis MacShane.

La construction de l'Europe avait aussi le mérite de nous tirer hors de nous-mêmes, vers le haut, loin de notre propension à nous replier, à nous refermer, comme si nous n'avions de leçon à recevoir de personne, comme s'il n'y avait pas d'autres modèles que le nôtre. Eh bien, justement, c'est aussi pour lutter contre ce repli qu'il ne faut pas attendre encore un an pour relancer l'Europe. « Cela risquerait, à la fin, de nous couper de nos partenaires et de les exaspérer », estime Jacques Barrot (3). Alors que les nouveaux arrivants en Europe, pleins d'espoir et de dynamisme, veulent aller de l'avant. Il nous faudrait, plus que jamais, être présents et actifs pour travailler en Europe avec ceux qui, comme de nombreux Français, veulent réguler le marché, progresser dans le domaine social, fixer les frontières, réaliser des grands projets, tels que Galileo ou la structuration ferroviaire du continent, etc.

Pour avancer, il faut que les dirigeants, cessant toute démagogie préélectorale, disent la vérité à notre pays : la France n'est pas seule au monde, le modèle français n'est pas le meilleur en tout domaine. La France a des atouts formidables. Pour les valoriser, il faut accepter les changements, l'évolution, l'adaptation et relancer l'Europe.

C'est bien connu, seul le mouvement évite la paralysie.

(1) Le Figaro, 22 avril 2006.

(2) Libération, 31 mai 2006.

(3) Paris-Match, 1er juin 2006.

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